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Appel à contributions - Atelier [REL] 21 et 22 mai 2014, Paris

04 April 2014
catégorisé sous: événements

Chers co-enquêteurs

Nous lançons un appel à contributions en vue de notre atelier sur le mode d’existence [REL] pour religion, qui se tiendra à Sciences Po Paris (13 rue de l’université 75007, Paris, salle du conseil), les mercredi 21 et jeudi 22 mai 2014 (9h30-17h30).

Milad Doueihi qui a pris la responsabilité de l’atelier, a proposé de partir d’un aphorisme de Nietzsche accessible à ce lien. Selon le protocole de notre enquête, vous êtes invités à nous soumettre des documents (texte, films, images etc.) que vous souhaiteriez étudier en commun pendant l’atelier.

Nous nous concentrerons particulièrement sur les croisements [POL·REL] et [FIC·REL] mais vous pouvez nous suggérer les entrées qui vous paraissent les meilleures.

Vous trouverez également ci-dessous une première note de Milad Doueihi sur les questions qu’il souhaite pour sa part aborder.

Merci de contribuer via la plateforme www.modeofexistence.org/inquiry ou de nous envoyer un document et l'argumentaire qui l'accompagne par email à l’adresse à milad.doueihi@lit.ulaval.ca ainsi qu’à contact@modesofexistence.com jusqu’au 27 avril 2014 inclus (réponse le 30 avril 2014).

N’hésitez pas à relire le chapitre [REL] ainsi qu’à consulter les archives d’un précédent atelier sur [REF·REL] disponible sur notre blog.

A bientôt

L’Équipe AIME


Présentation par Milad Doueihi

Pour situer et discuter [REL], on va commencer avec une [FIC] qui met en scène un ensemble de questions, de situations qui traversent AIME : les êtres même de la fiction, leur rapport avec le discours et la parole et la façon dont ils structurent des modes d’existence, les diverses techniques dont ils disposent et qui peut rendre visible la technique.

L’aphorisme de Nietzsche (voir le document ci-dessous) nous invite à visiter le religieux en termes de fictions associées à l’obligation (ou non) de dire la vérité avec clarté. Cette dimension, moderne, nous permet de mesurer les différences entre les Anciens et les Modernes et de mesurer l’écart dans le statut de la responsabilité vis-à-vis du pouvoir de dire le “vrai”. Dans ce contexte, et toujours selon Nietzsche, Pascal serait la figure de transition et de passeur entre les Anciens et les Modernes, bénéficiant, pour ce rôle, des intersections entre les sciences et la religion. Un cas d’un être de fiction (avec son propre mode d’existence) qui peut éclairer les liens entre [REL] et [FIC].

Puis, dans un second mouvement, les échanges entre [REL] et [POL], surtout entre, d’une part l’engendrement d’institutions, de hiérarchies et d’architecture, et d’autre, l’impossibilité d’une telle continuité portée par les Modernes et ce malgré les survivances, avec une interrogation sur la temporalité propre à [REL] et l’espace que peut être [POL]. Comment penser le peuple dans un tel contexte, en prenant en compte les héritages lointains (de Cicéron et Augustin, en passant par Spinoza et les héritiers les plus modernes)?

Une mise en scène, si j’ose dire et qui nous permettra de mettre en relief la tension [REL] et [POL], mais surtout faire travailler les statuts variables de la diction (des paradigmes de véridiction) dans l’enchaînement des rivalités ([POL] et [REL]) ou bien l’accueil de l’être au sein des fictions multiples.

L’aphorisme de Nietzsche que je travaille depuis longtemps : Aurore, Livre I Aphorisme 91 et qui traite de la question du Deus absconditus, de sa manière de paraître, de se retirer du monde et surtout de sa parole, ou, pour être plus précis de sa capacité de dire, et peut-être de dire une vérité, la vérité, sa vérité. Mais ce qui est plus pertinent pour AIME, c’est bien l’illustration donnée par Nietzsche dans sa conclusion. Il décrit une scène, comme dans un film : on s’imagine à Port-Royal des Champs avec Pascal qui surprend son Dieu caché cherchant à se confesser. Il ne peut, après une telle fiction (mais portée par des formes de croyances qui semblent traverser les frontières entre les Anciens et les Modernes, et qui est une métamorphose et une incarnation de l’accueil), qu’être scandalisé par l’immoralité (le terme nietzschéen) de la rhétorique, de la manière de dire et de communiquer de ce Dieu caché… Ce qui, selon Nietzsche, explique le discours pascalien sur la croyance, la science et le politique.

On retrouve ainsi une scénographie de [REL] et [POL], nous incitant à revisiter les êtres de fiction, leurs paroles dans le contexte Moderne du croire et faire croire et des diversités des êtres…

Quelques questions:

La Gnose et sa façon de confondre, grâce en grande partie à sa cosmogonie transformative (qui est comme une [FIC] et Métamorphose), les êtres et les modes. Qu’en est-il de cette Gnose des Modernes ? Surtout quand on la retrouve chez un Leibniz (la Théodicée), un Nietzsche, (Zarathoustra, etc.) mais également chez des penseurs du social et du politique.
La dynamique Universel/Local à partir de Spinoza et les questions concernant la superstition (entre anciens et Modernes), la croyance voire la Loi (quel lien entre Loi et [DRO] ?) et les institutions de [POL] et [REL] ?
[REL] et la souveraineté : de la définition de la nature humaine dans le Christianisme (à partir de l’émergence de la grâce) comme une attente, une forme d’accueil d’une [FIC] (mais fondatrice d’un modèle de [POL]), celle de Dieu, à celle d’un être plus proche de la technique et qui, dans les apparences de son parcours (disons zigzag) semble éviter les anciens et peut-être fonder une civilisation ?

Nietzsche, Aurore ( Gallimard [Folio], 1980, traduction Julien Hervier).

Livre I, Aphorisme 91

La loyauté de Dieu.

Un Dieu qui est omniscient et omnipotent et qui ne se soucie même pas que ses intentions soient comprises par ses créatures — est-il possible que ce soit un Dieu de bonté ? Un Dieu qui laisse subsister pendant des millénaires des doutes et des hésitations innombrables, comme s’ils étaient négligeables pour le salut de l’humanité, et qui donne pourtant constamment à prévoir les plus effroyables conséquences en cas de méprises sur la vérité ? Ne serait-ce pas un Dieu cruel, s’il possédait la vérité et supportait toutefois la vue d’une humanité qui se torture misérablement pour l’atteindre ? — Ou peut-être est-ce quand même un Dieu de bonté — mais incapable de s’exprimer plus clairement? N’aurait-il pas assez d’esprit pour cela ? ou d’éloquence ? D’autant plus grave ! Peut-être se tromperait-il aussi sur ce qu’il nomme sa “vérité” et ne serait-il pas si éloigné lui-même du “pauvre diable trompé” ! Ne doit-il pas endurer les tourments de l’enfer lorsqu’il voit ses créatures souffrir ainsi à vouloir le connaître, en attendant des souffrances pires encore que toute l’éternité, et qu’il se voit lui-même impuissant à les conseiller ou à les aider, si ce n’est comme un sourd-muet qui fait toutes sortes de signes ambigus alors que les plus terribles dangers vont s’abattre sur son enfant ou sur son chien ? — Un croyant en proie à ces tourments et à ces raisonnements serait vraiment pardonnable si la pitié pour le Dieu souffrant lui était plus familière que la pitié pour le “prochain”, — car il cesse d’être son prochain si le plus solitaire, le plus originel de tous les êtres, est aussi le plus souffrant, le plus digne de consolation. — Toutes les religions portent un signe attestant qu’elles doivent leur naissance à l’intellect d’une humanité primitive et sans maturité, — elles prennent toutes étonnamment à la légère l’obligation de dire la vérité: elles ne savent encore rien du devoir divin de se manifester aux hommes avec clarté et véracité. — Sur le “Dieu caché” et sur ses raisons de se tenir ainsi caché en ne s’exprimant jamais qu’à demi-mot, personne n’a été plus éloquent que Pascal, signe certain qu’il n’a jamais pu se tranquilliser sur ce point: mais sa voix résonne avec autant d’assurance que s’il lui était arrivé de s’asseoir derrière le rideau. Il soupçonnait une immoralité dans le “deux absconditus” et ressentait la plus grande pudeur, la plus grande timidité à se l’avouer: aussi parlait-il en homme qui a peur, le plus fort qu’il pouvait.

[version originale allemande]

Die Redlichkeit Gottes. — Ein Gott, der allwissend und allmächtig ist und der nicht einmal dafür sorgt, dass seine Absicht von seinen Geschöpfen verstanden wird, — sollte das ein Gott der Güte sein? Der die zahllosen Zweifel und Bedenken fortbestehen lässt, Jahrtausende lang, als ob sie für das Heil der Menschheit unbedenklich wären, und der doch wieder die entsetzlichsten Folgen bei einem Sich-vergreifen an der Wahrheit in Aussicht stellt? Würde es nicht ein grausamer Gott sein, wenn er die Wahrheit hätte und es ansehen könnte, wie die Menschheit sich jämmerlich um sie quält? — Aber vielleicht ist es doch ein Gott der Güte, — und er konnte sich nur nicht deutlicher ausdrücken! So fehlte es ihm vielleicht an Geist dazu? Oder an Beredtsamkeit? Um so schlimmer! Dann irrte er sich vielleicht auch in dem, was er seine „Wahrheit“ nennt, und er ist selber dem „armen betrogenen Teufel“ nicht so fern! Muss er dann nicht beinahe Höllenqualen ausstehen, seine Geschöpfe um seiner Erkenntniss willen so, und in alle Ewigkeit fort noch schlimmer, leiden zu sehen und nicht rathen und helfen zu können, ausser wie ein Taubstummer, der allerhand vieldeutige Zeichen macht, wenn seinem Kinde oder Hunde die schrecklichste Gefahr auf dem Nacken sitzt? — Einem derartig schliessenden und bedrängten Gläubigen wäre wahrlich zu verzeihen, wenn ihm das Mitleiden mit dem leidenden Gott näher läge, als das Mitleiden mit den „Nächsten“, — denn es sind nicht mehr seine Nächsten, wenn jener Einsamste, Uranfänglichste auch der Leidendste, Trostbedürftigste von Allen ist. — Alle Religionen zeigen ein Merkmal davon, dass sie einer frühen unreifen Intellectualität der Menschheit ihre Herkunft verdanken, — sie alle nehmen es erstaunlich leicht mit der Verpflichtung, die Wahrheit zu sagen: sie wissen noch Nichts von einer Pflicht Gottes, gegen die Menschheit wahrhaftig und deutlich in der Mittheilung zu sein. — Über den „verborgenen Gott“ und über die Gründe, sich so verborgen zu halten und immer nur halb mit der Sprache an’s Licht zu kommen, ist Niemand beredter gewesen, als Pascal, zum Zeichen, dass er sich nie darüber hat beruhigen können: aber seine Stimme klingt so zuversichtlich, als ob er einmal mit hinter dem Vorhang gesessen hätte. Er hatte die Witterung einer Unmoralität in dem „deus absconditus“ und die grösste Scham und Scheu davor, sich diess einzugestehen: und so redete er, wie Einer, der sich fürchtet, so laut als er konnte.


Ce projet de recherche a reçu le soutien financier du Conseil Européen de la Recherche (ERC) en tant que programme spécifique du 7ème Programme cadre (FP7/2007-2013) / ERC Grant ‘IDEAS’ 2010 n° 269567.

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